“Qu’est-ce que je devrais évaluer ???” est l’une des questions à laquelle je suis régulièrement confrontée lorsque je travaille dans le cadre d’une transformation agile. Trop souvent, l’évaluation des salariés par les manageurs se fait seulement de manière individualisée. (Les indicateurs traditionnels se focalisent sur l’efficacité de la ressource à la place de se focaliser sur l’efficacité du flux). Les indicateurs de l’efficience des ressources n’évaluent pas ce que l’organisation livre ou ce qui empêche l’organisation de livrer.

Cette question des indicateurs peut s’avérer être le curseur qui changera votre culture et votre système. Cela pourrait bien aider les personnes à prendre conscience qu’il y a des raisons pour changer et les aider à faire de petites expériences en toute sécurité. J’aime bien voir ces questions refléter le pourquoi de la transformation agile de votre organisation.

Tout d’abord, envisagez donc de vous poser les questions suivantes :

  1. Que voulons-nous de plus ? (Je découvre assez souvent que les réponses sont le débit et la collaboration.)

  2. Que voulons-nous de moins ? (Ces questions amènent souvent à penser aux anomalies et aux retards.)

Cela pourrait nous amener à considérer les indicateurs possibles suivants :

  • À quelle fréquence arrivons-nous à livrer-nous quelque chose dont nos clients ont besoin ? (Tendance du temps de traversée)

  • Sommes-nous en capacité de livrer ce que nous voulons quand nous le voulons ? (Un indicateur assez simple et qualitatif de l’agilité organisationnelle)

  • Avons-nous un stock de travail sur les bras bloqué quelque part ? (Où sont nos goulots d’étranglements ?)

  • Avons-nous des coûts induits parce que nous n’avons pas livré ce stock de boulot ? (Coût du délai)

  • Connaissons-nous notre flux, notre chaîne de valeur, là où nous ajoutons de la valeur et là où nous attendons ? (Il s’agit ici de visualiser les états en attente et là où nous ajoutons de la valeur. Il ne s’agit pas de montrer en tant que tel notre flux de travail. Lorsque nous utilisons un flux, nous sommes en mesure de comprendre notre chaîne de valeur, là où nous ajoutons de la valeur et là où nous attendons, nous pouvons voir/visualiser ces états en attente. Nous pouvons voir là où dans le flux nous ajoutons de la valeur - et là où nous n’en ajoutons pas).

  • Est-ce que nos employés (la totalité d’entre eux) apprécient de travailler ici ? (Il s’agit ici d’un indicateur partiel sur l’engagement. Je le trouve parlant lorsque l’encadrement supérieur apprécient d’y travailler et que les collaborateurs pris à titre individuel n’apprécient pas. Une raison pourrait être justement parce qu’ils sont des collaborateurs pris à titre “individuel”.)

  • Est-ce que nos employés croient en notre mission ? (Avons-nous défini pourquoi nous existons ? Personne n’existe pour faire de l’argent. Faire de l’argent est un effet de bord de la mission. Un effet de bord important, mais un simple effort de bord.)

  • Dans quelle mesure ce que nous livrons reflète t’il notre mission ? (Livrons-nous des améliorations régulièrement ? Essayons-nous de maintenir le rythme ? Échouons-nous ?)

Je vais m’arrêter ici. Remarquez bien qu’il n’est ici aucunement mention de vélocité ou de burnups ou quoi que ce soit de ce genre-là. Bien que les équipes projets soient à même d’utiliser la vélocité, un burnup sur la période en cours, un diagramme de fonctionnalités ou un burnup sur le product backlog, ces indicateurs ne sont pas suffisamment stratégique.

(Lisez l’article Velocity is Not Acceleration pour en savoir plus sur ce sujet ainsi que pour consulter des exemples de diagrammes de fonctionnalités et des burnups de product backlog. Vous pouvez aussi lire l’article Create Your Successful Agile Project pour comprendre la différence entre les indicateurs dont une équipe peut avoir besoin et les indicateurs pour rendre compte de l’avancée du projet)

J’attire sur votre attention que tous les indicateurs, qualitatifs ou quantitatifs sont mesurés dans le temps pour en tirer des tendances.

La valeur de votre travail.

Un responsable avait commencé, dans une organisation, avec seulement deux indicateurs : le temps de traversée pour les projets et si les gens pensaient avoir fait du travail valable aujourd’hui. Les équipes pourraient rendre compte de leur temps de traversée. Chaque équipe a eu un paperboard avec une réserve d’autocollants jaunes et rouges juste à côté de ce dernier.

Chaque personne de l’équipe évaluait la valeur de leur travail fait ce jour. Les autocollants jaunes représentaient une évaluation qualitative. Plus l’autocollant jaune était positionné haut, plus les gens pensaient que le travail fait avait été valable. Plus l’autocollant rouge était positionné bas, moins le travail effectué avait de la valeur.

Certaines équipes ont découvert que leur évaluation de la valeur portait sur leur capacité à déployer. D’autres équipes ont décidé que la valeur portait plus sur la collaboration au sein de l’équipe. Par ailleurs, d’autres équipes ont décidé que la valeur portait plus sur ce que le client final pourrait faire avec les stories livrées.

Chaque équipe pouvait décider quelle était la signification de la valeur.

L’équipe 1 a utilisé ses diagrammes et son temps de traversée comme sources d’informations pour ses rétrospectives. Elle a (lentement) fait passer son temps de déploiement de deux semaines à une semaine puis à trois jours puis à une journée. Elle est arrivée à livrer quelque chose de valable tous les jours à ses clients.

L’équipe 2 a appris à déployer une fois par semaine, ce qui suffisant à ses yeux pour l’instant.

L’équipe 3 a été quelque peu méfiante de la réussite de l’équipe 1 et de l’équipe 2. Le temps de traversée de l’équipe 3 était assez long et ils ont décidé de se focaliser uniquement sur le temps de traversée pendant un mois (soit deux itérations). À cause de leur PO qui se sentait obligé de changer le contenu de l’itération pendant celle-ci, l’équipe avait mis en place une colonne urgente sur son tableau. Elle a mesuré le nombre d’items qui passaient par la colonne urgente et le nombre d’items planifiés initialement.

L’équipe 3 a découvert que son temps de traversée pour le travail urgent était de 3 à 6 jours. Elle a aussi découvert que le temps de traversée de leur travail planifié était à peu près identique, 3 à 5 jours. La différence concernait la quantité : il y avait souvent 5 items dans la colonne urgente et 4 items dans la colonne Prêt pour les items planifiés. Elle avait une tonne de TEC (travail en cours). Ils sont passés à un tableau kanban, avec des itérations délimitées par les cadences de planification et de rétrospective. L’équipe 3 a découvert qu’elle avait besoin de plus de données pour comprendre son travail.

Un mois après, elle a décidé de suivre également la valeur ressentie quotidiennement. Elle a commencé à mettre la plupart des autocollants rouges en dessous de la ligne neutre puis a mis au cours de sa progression des autocollants jaunes au-dessus de la ligne.

Pour chacune des trois équipes, le temps de traversée a diminué et la valeur ressentie a augmenté.

C’est ce qui arrive lorsque les responsables demandent aux équipes de les aider à décider ce qui doit être changé ensuite. Les équipes ont décidé de changer leurs indicateurs pour regarder de plus près leurs chaînes de valeur et coût du délai. Les équipes ont demandé à leurs responsables d’examiner leurs processus de prise de décision. Pourquoi le PO ressentait-il autant de pression pour avoir à changer ce que les équipes avaient bien planifié.

Les responsables ont mesuré le temps de traversée entre le moment où ils mettent un projet potentiel sur leur tableau jusqu’au moment où ils donnent ce projet à une équipe. Ce délai était beaucoup plus long que pour n’importe quel autre projet (le temps de traversée de la prise de décision d’un responsable était souvent de 18 mois, et celui du projet entre 6 et 9 mois). Les responsables avaient besoin que les équipes soient capables de livrer plus souvent et les responsables devaient mieux gérer leur portefeuille de projets.

Cela a déclenché une discussion sur la manière dont les responsables influent sur les feuilles de routes des produits et le portefeuille des projets. Il s’avéra que les responsables étaient évalués et incités sur l’efficience des ressources et non sur l’efficience du flux. Leur système de récompense et de bonus devait changer pour ramener une certaine forme d’équilibre dans les feuilles de routes et les portefeuilles de projet.

Votre organisation peut décider de faire des indicateurs à partir d’autres données. Toutefois, cela vaut le coup de réfléchir sur quoi mesurer afin que vous puissiez réaliser de petites expériences sur vos indicateurs et ceci sans aucun risque.

Si votre transformation agile fait du sur place, prenez en considération le fait de réfléchir à nouveau vos indicateurs. Les équipes ont toujours besoin de données basées sur l’équipe. Et, les équipes doivent rendre compte de l’avancement du projet. Les responsables pourraient avoir besoin de données sur leur propre travail parce que leurs décisions créent et affinent la culture (agile ou non). Lorsque vous réfléchissez à la culture agile, les équipes et les responsables ont souvent besoin de données différentes.

Jetez donc un coup d’œil au système et à la culture actuellement en cours dans votre organisation et créez alors d’autres indicateurs pour voir ce que vous pouvez changer.


Liste des articles de la présente série


Auteurs : Johanna Rothman
Source : Agile Transformation: Possible Organizational Measurements, Part 4
Date de parution originale : 28 Février 2018


Traducteur : Nicolas Mereaux
Date de traduction : 24/05/2018


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