En résumé : L’un des nouveaux rôles qui est apparu avec le développement agile de logiciels est celui de coach d’équipe. Jusqu’à l’arrivée de l’agilité, les coachs étaient confinés aux cadres de direction ou aux sportifs. Comme pour tout nouveau rôle, cela prend un certain temps avant qu’il soit bien compris et bien cerné. Les équipes agiles peuvent, bel et bien exister sans la présence d’un coach mais ces équipes n’arrivent pas à coup sûr à atteindre leur pinacle.

Selon une étude de Yahoo!, les coachs peuvent y contribuer de manière significative. Dans cette étude, les équipes Scrum ne bénéficiant pas du soutien d’un coach augmenteraient leur productivité de seulement 35 %, alors que celles en bénéficiant la productivité augmenteraient de 300% ou plus.

Alors en quoi consiste le rôle de coach ? Et que fait un coach ?

Pour certaines personnes, le titre de coach est auto-descriptif mais pour d’autres c’est le flou le plus total. Laissez-moi donc vous offrir une définition : un coach agile aide une équipe ou un individu à adopter, à améliorer les méthodes et les pratiques agiles. Un coach aide les gens à repenser et à changer la manière dont ils conçoivent le développement.

Formateur et consultant

Le rôle de coach est en partie formateur embarqué dans les équipes, en partie consultant - et plus spécifiquement conseiller. Mais même la meilleure des formations agiles n’arrivera pas à couvrir tous les détails ou toutes les éventualités qu’une équipe pourrait être amenée à rencontrer. Le coach est là pour continuer la formation après les formations proprement dites.

Avoir un coach sur site permettra d’aider les membres de l’équipe à mettre leur formation en action. Il arrive trop souvent que les gens ayant suivi une formation, et pensant que c’est quelque chose d’utile, échouent ensuite à mettre en œuvre les nouvelles connaissances acquises dans leur quotidien. C’est d’autant plus vrai lorsque l’organisation n’a pas de messages clairs vis-à-vis de la conduite du changement.

Le coach aide les équipes à appliquer la pensée agile et lean à leurs environnements et aux problèmes spécifiques auxquels ils font face. En tant que conseiller, le coach peut aider l’équipe à adapter la méthodologie à son environnement et à remettre en question l’environnement existant.

Ces deux casquettes font du coach, un agent de la conduite du changement efficace - quelqu’un qui encourage le changement et qui le pousse à se produire. Lorsque une organisation est prête à investir de l’argent sur un coach, elle montre qu’elle est sincère dans sa volonté de le faire aboutir.

Le coach aide autant l’équipe à mettre en œuvre la vision agile, que motiver l’équipe à aller vers cette vision. Le coach fait cela en esquissant l’image de comment le monde agile fonctionne, en racontant des anecdotes et en donnant des explications.

Trois types de coach

Même si chaque coach agile possède sa propre approche d’une mission, il y a grosso modo trois types de coachs. Le premier type de coach est technique, il travaille à un niveau très pointu et peut être amené à intégrer l’équipe des développeurs à part entière.

Les coachs techniques travaillent régulièrement en binôme avec les développeurs pour les aider à appliquer le développement piloté par les tests, pour aider les développeurs dans leurs travaux de refactoring, pour aider à améliorer le système d’intégration continue ou encore dans d’autres activités qui sont en lien étroit avec le code.

Les coachs techniques sont des experts dans leurs domaines, ils ont pour objectif à la fois de transmettre leurs connaissances et d’enthousiasmer les membres de l’équipe à essayer de nouvelles approches et de nouvelles techniques.

Le second type de coach est également un expert qui a pour objectif de transférer sa connaissance, toutefois son domaine de prédilection n’est pas la technologie mais les processus, le management et les exigences. Ce type de coach, dont je fais partie, travaille avec les chefs de projet, les responsables opérationnels, les analystes métiers, les responsables produit ainsi que toute autre personne capable de faire avancer les choses.

Plutôt que de travailler avec du code - le coaching relationnel se fait plutôt lors de réunions, d’ateliers ou de sessions en individuels. Un accent particulier est mis sur la facilitation d’évènements pour aider à inciter le changement et l’amélioration.

Par exemple, en plus de faire la modération des réunions debout et des réunions de planification, j’anime habituellement les rétrospectives et les “futuro-spectives” ou prospective. Une prospective est un évènement qui applique les mêmes idées et les mêmes techniques que les rétrospectives mais utilisé dans le cadre du lancement d’un nouveau projet ou d’une transition agile.

Lorsque que je travaille avec des responsables, il y a davantage de coaching que de transfert de connaissances. Il s’agit plus d’aider les personnes à repenser leurs présupposés et leurs modèles mentaux. Un certain nombre de responsables qui ayant connu quelques succès avec d’autres modèles de développement peuvent percevoir l’agilité comme une menace. Ce qui va nous permettre de faire la transition vers le troisième type de coaching.

Le troisième type de coach peut être amené à travailler avec n’importe quelle personne de l’équipe mais travaille principalement avec les responsables et les analystes. Dans ce mode, le coach abandonne la veste d’expert pour se focaliser dans le soutien au niveau individuel et au niveau collectif l’équipe à résoudre ses problèmes. À cette fin, le coach utilise une approche non-directive.

Lorsqu’il travaille en tant qu’expert, le coach donne des conseils et des recommandations directement. Cela s’appelle du coaching directif. Dans le mode non-directif, le coach peut - ou pas - être expert dans le domaine concerné mais il présuppose que la personne coachée est l’expert et le coach va l’aider à faciliter son apprentissage.

Alors que le coaching directive se trouve principalement dans les équipes sportives, l’approche non-directive est utilisée pour aider les responsables métiers. Cette approche est décrite dans des livres tel que Le guide du coaching au service de la performance ainsi que dans Effective Coaching et toute personne ayant l’intention de s’embarquer sur cette voie serait bien avisée de lire au moins l’un de ces deux ouvrages.

Il est difficile pour une seule et même personne d’endosser tous les rôles que peut avoir un coach tant ils sont divers. Un expert technique aura des difficultés à passer en mode non-directif et les membres de l’équipe seront perdus si un expert commence à leur renvoyer leurs questions. Bien qu’une personne puisse posséder les bases de ces différents rôles, il est très peu probable qu’il ait suffisamment de temps pour faire leur faire justice même sur le plus petit des projets.

Longévité du coaching

Peu importe comment travaille un coach et quelque soit l’approche qu’il puisse prendre, le coach doit éviter de créer une dépendance. Cela se produit lorsque l’équipe devient dépendante du coach, et que sans le coach l’équipe reprend ses vieilles habitudes. Les coachs doivent être capable de se retirer le temps venu et de laisser l’équipe poursuivre son chemin.

Bien que de nombreuses entreprises puissent avoir leurs propres coachs dans ses effectifs et que certains travailleront avec des équipes au quotidien sur plusieurs mois ou même plusieurs années, il y a beaucoup à dire sur l’utilisation de coachs externes et sur la limitation de la période de coaching.

Bien que les coachs internes aient l’avantage de connaitre déjà l’équipe et le domaine, les coachs externes ont l’avantage d’apporter un regard différent et de ne pas avoir d’à priori. Cela leur permet de remettre en question les présupposés et de suggérer des approches alternatives.

Certaines activités de coaching - comme l’animation de rétrospectives - peuvent stagner ou devenir stériles avec le temps. Le changement de facilitateur peut apporter une énergie et de nouvelles idées.

Scrum Master ou coach ?

En tant que coach agile, on me pose souvent la question “Quelle est la différence entre un coach et un scrum master ?”. En effet, la différence peut s’avérer être minime si le scrum master décide de jouer son rôle sous l’angle du coaching. Toutefois ce n’est pas toujours le cas, certaines organisations considèrent les scrum masters comme des chefs de projet déguisés. Dans ce cas-là, la différence entre coach et scrum master est immense.

Il y a sans doute deux différences principales entre les rôles de scrum master et de coach agile. Dans Scrum, le scrum master a pour tâche de s’assurer que l’équipe suit bien les règles et le processus scrum. Les coachs agiles remettent les choses dans une perspective plus grande avec une insistance particulière sur la conduite du changement.

En tant que tel, la deuxième différence concerne la durée. Toutes les équipes scrum devrait avoir un scrum master qui travaille avec l’équipe à chaque sprint et reste présent avec l’équipe pendant toute la durée des travaux. Un coach agile peut rester avec une équipe mais ils peuvent aussi passer à une autre ou rester en retrait un certain temps.

Lors d’une mission dans une entreprise l’année dernière, je me suis occupé de plusieurs équipes. Au début, j’ai commencé à donner des formations et à passer du temps avec chaque équipe lors de cérémonies agiles - planification, réunion quotidienne, rétrospectives, etc. Au fur et à mesure que les équipes devenaient de plus en plus familières avec ces différentes activités, j’ai réduit mon implication et ainsi permit aux membres de l’équipe de prendre la suite.

À nouveau, avec cette approche le coach endosse le rôle d’agent de la conduite du changement. Cela veut peut être dire que les équipes ont besoin de coachs différents selon les différentes étapes de leur développement : un coach technique pour aider les développeurs à maîtrise le développement piloté par les tests ; un deuxième coach pour mener l’équipe au début de son adoption de l’agilité et un troisième plus tard pour affiner les processus et les pratiques.

Conclusion

Une partie essentielle du travail de coach porte sur le changement de mentalité des individus, des modèles mentaux et des raccourcis construits au fil des années. Comme a pu le dire récemment mon camarade coach Niels Malotaux “Le coaching c’est remettre à zéro l’intuition des gens”.

Il y a des centaines, voire des milliers, de petites décisions prises chaque jour lors du développement d’un logiciel. Ces décisions sont basées sur les modèles mentaux des personnes à propos du fonctionnement du développement - ou comment il ne fonctionne pas. Une partie du rôle de coach est d’aider les gens à désapprendre ces modèles et à réapprendre des modèles basés sur les valeurs agiles.

Cumulativement toutes ces petites décisions sont plus importantes que les quelques grosses décisions faites occasionnellement. Par définition, les grosses décisions ne sont pas faites si souvent et vous savez généralement qu’elles sont prises alors que les petites sont prises sans y penser. Cela ne sert à rien de passer à l’agilité si vous continuez à prendre les petites décisions sur la base d’un autre modèle.

L’architecte Mies van der Rohe a dit un jour “Dieu est dans les détails” et il en est de même en agile : “l’agilité est dans les détails”. Ce sont les petites décisions que l’on ne peut pas prévoir à l’avance qui font souvent dérailler le train. C’est le boulot du coach d’aider à faire remarquer toutes ces petites décisions et à s’assurer que les principes agiles sont appliqués.

Une partie de la raison pour laquelle je préfère travailler en tant que coach avec une équipe plutôt que formateur est que vous voyez les changements se produire dans le temps. Bien sûr, je donne des formations mais, une fois que je suis parti, est-ce que les gens font la mettre à profit ? Lorsque je suis là, en tant que coach, j’accompagne les gens dans le changement, les détails et je vois le changement se produire.

Références

Rolling Out Agile in a Large Enterprise, International Conference on Software System, Hawaii, 2008

Le guide du coaching au service de la performance, John Whitmore, 1992

Effective Coaching, Myles Downey, 1999


Auteur : Allan Kelly
Source : The Role of the Agile Coach
Date de parution originale : 03 Novembre 2009


Traducteur : Nicolas Mereaux
Date de traduction : 09/02/2018


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