Le rythme soutenable est un concept de merde : nous le voyons généralement comme le rythme auquel nous devrions, plus ou moins, travailler. Et alors que le “plus” devrait arriver peu souvent et uniquement pour de courtes durées, à notre connaissance le “moins” arrive plutôt rarement.

Pour une activité physique, un rythme soutenable a du sens. Je cours le marathon à un rythme soutenable parce que faire moins reviendrait à diminuer le sens de cet exploit. Cela ne signifie pas que je me sentirai aussi vivant et heureux à la fin que si j’avais fait une chouette promenade au bord de la plage à siroter une Pina Coladas.

Et oui, mis à part l’éthique puritaine du travail, je mérite bien cela une fois de temps en temps aussi. Le rythme soutenable est un concept hérité de l’ère industrielle où la productivité était importante, et où le temps pouvait être perçu comme lié à la productivité.

Est-ce votre travail vous met relation avec d’autres personnes ?

Aujourd’hui, les membres les plus avisées de la communauté Lean savent que la productivité est la cause numéro une du gaspillage : si, moi individuellement, je continue à produire tout mon soûl, il n’y a aucune garantie que mon travail rejoindra quoi que ce soit sur la chaîne de fabrication pour générer de la valeur. Je devrais plutôt travailler au rythme de la demande.

Et dans le domaine du travail du savoir alimenté par de l’innovation, une grande quantité d’heures passées sur la ligne de fabrication ou au bureau est probablement moins efficientes que quelques heures passées au musée des beaux-arts. Jurgen Appelo a écrit récemment au sujet des vacances illimitées ; je pense que cette perspective rééquilibre la balance en faveur d’un temps équivalent pour notre vie personnelle.

Il ne s’agit pas de faire une semaine ordinaire au travail : il s’agit du non-travail de ce que DeMarco à l’habitude de nommer du “temps non productif” 1. Pourquoi parlons-nous de la durée du temps passé au travail à la place de la durée du temps passé à jouer avec nos enfants ? Et l’angle agile alors ?

L’entreprise idéale produit une valeur infinie avec zéro effort : l’objectif est de s’en rapprocher le plus. Inscrire uniquement la mesure du temps de travail maximum que vous avez passé est le signe d’une organisation immature. Personne ne se soucie du temps que vous avez travaillé : ce qui est important c’est la valeur délivrée, et le temps restant jusqu’à ce que vous en livriez.

Ne donnez pas de la valeur au temps

La valeur augmente avec l’efficience. L’effort diminue avec l’efficience. Toute mesure du temps (“rythme soutenable”) travaille contre cet objectif. Le “rythme soutenable” est l’os agile donné à l’encadrement afin qu’il ne pense pas que leur personnel est paresseux.

Je pense que cette perspective - mettre en avant le temps personnel par rapport au temps au travail - est une forte tradition danoise de la dernière ou de l’avant dernière génération. Les gens travaillent suffisamment pour que le travail soit fait et sont au travail suffisamment longtemps pour être en contact avec les collègues - et non pas pour remplir une feuille de présence. Bien sûr, il y a ces endroits ressemblant à des ateliers clandestins où les choses se passent tellement mal que même un rythme soutenable est une amélioration.

Les organisations qui mesurent le travail en heures sont suspectes (ce qui est une des raisons pour lesquelles je suggère que l’unité de mesure de l’effort des personnes soit le vingummibamser : “le bonbon nounours en gélatine”). D’un point de vue pratique, nos entreprises luttent pour optimiser la valeur par engagement tout en minimisant le nombre d’engagements par an. Un des vulgaires aspects de la valeur est le revenu, ce qui est assez incontestable pour être une base de discussion et de comparaison.


Jim (“Cope”) Coplien est un vieux requin du C++ combinant désormais les aspects techniques et humains du domaine informatique en tant qu’auteur, coach, formateur et consultant. Il est l’un des fondateurs de la discipline des patrons de conceptions, et ses patrons organisationnels sont parmi les éléments fondateurs de Scrum et de XP. Il travaille actuellement à Gertrud & Cope au Danemark et est un partenaire de la Scrum Fondation. Il est l’auteur ou le co-auteur de plusieurs livres, dont Lean Architecture for Agile Software édité chez Wiley. Lorsqu’il était petit, il voulait être anthropologiste.


Auteur : Jim (“Cope”) Coplien
Source : Working at a Sustainable Pace
Date de parution originale : 28 Janvier 2015


Traducteur : Nicolas Mereaux
Date de traduction : 20/05/2015


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  1. NdT : traduction du terme “undertime”, temps consacré sur le lieu de travail à des activités non professionnelles.