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Pour certaines personnes, les to-do lists 1 et les product backlogs sont du gaspillage. Je ne suis pas d’accord. Personnellement, je les vois comme des dépôts d’idées et d’alternatives.

Il n’y a aucun gaspillage dans le concept de backlog. Un backlog lui-même n’est pas du gaspillage. Ce qui compte c’est comment les personnes l’utilisent.

Liste de souhaits

Lorsqu’il s’agit de livres, j’ai une liste de souhaits de la taille d’une planète. Non seulement, j’aime lire mais j’aime également chercher des livres. Je regarde la liste des meilleurs livres, les listes du top 100, les récompenses annuelles, les critiques et les notes, les nouvelles parutions hebdomadaires, et les bibliographies des livres figurant dans les autres livres. Tous les livres que je trouve potentiellement intéressants rejoignent ma liste de souhaits géante.

Évidemment, je ne serai pas être capable de lire tous ces livres. Une liste de souhaits est une liste de “pourraient-avoir”. Je compare ma liste de souhaits à un paysage. Je trouve ça sympa d’avoir une vague idée de l’étendue du paysage lorsque je choisis mon chemin à travers ces montagnes et forêts de livres. Ne pas avoir une vue globale du terrain signifierait que chaque pas se ferait à l’aveugle.

Bien sûr, lire quelque fois un livre au hasard, c’est comme prendre un détour inattendu, cela peut réserver une bonne surprise. Mais mon temps est un bien des plus précieux. Je veux l’utiliser en faisant mes choix en toute conscience.

Checklist 2

Lorsqu’il s’agit d’écrire des livres, je suis connu pour travailler avec des checklists énormes. Une checklist est une liste de “doivent-avoir”. Chaque livre est un projet différent, et par conséquent, chaque checklist est différente de la précédente. Mais mes checklists contiennent toujours des items comme “Commencer avec un histoire”, “Mettre des blagues idiotes”, “Ajouter des références bibliographiques” et “Vérifier les doubles espaces”.

La nature d’une checklist est l’opposée d’une liste de souhaits. Avec une liste de souhaits, l’idée est de faire certains des items de la liste. Même si vous ne prenez qu’un seul élément de toute la liste, si l’item sélectionné est le bon choix, alors la liste de souhaits est couronnée de succès. Toutefois, avec une checklist, vous devez faire tous les items. Même si vous oubliez un seul item sur toute la liste, si cet oubli vous cause des problèmes, alors le résultat de la checklist est un échec.

Backlogs

Alors qu’est-ce qu’une to-do list ? Est-ce une liste de souhaits ou une checklist ? Et que sont donc les soit-disants product backlogs, qui sont à la base des to-do lists pour les équipes de développements ? Sont-ils principalement des “pourraient-avoir” ou des “doivent-avoir” ?

Eh bien, je vous ai déjà parlé du fait que j’utilise Remember the Milk comme ma to-do list. Par exemple, tout ce que j’ai toujours voulu faire pour promouvoir le livre #Workout book, est dans un projet sur Remember the Milk. Et je peux vous dire honnêtement que j’ai fait la moitié des items de cette liste. Est-ce que ma liste est un échec ? Absolument pas. Dans les six premiers mois, j’ai vendu plus d’exemplaires de ce livre que de mon premier livre. En d’autres mots, tous les items de ma to-do list étaient des options. Ils n’étaient rien de plus que des idées. Ce qui veut dire que mes to-do lists étaient des listes de souhaits.

À mon avis, avec votre product backlog, cela devrait être la même chose. Vous devriez considérer votre backlog comme une liste de souhaits. C’est une vue globale du paysage de vos options. Esquisser le paysage vous permet de choisir le chemin le plus prometteur pour votre projet. Et il vous permet de vous rappeler des chemins alternatifs qui vous sont ouverts lorsque le chemin sur lequel vous êtes ne vous satisfait pas.

Votre liste de courses de supermarché est à considérer comme une checklist. Votre product backlog est à considérer comme une liste de souhaits.

Créativité

Il y a une autre raison importante de conserver des listes : La science de la créativité suggère que les personnes les plus innovantes sont celles qui collectent les idées venant de plusieurs sources et qui les transforment en réservoirs d’inspiration. Non seulement, j’ai des listes de livres ; j’ai aussi des listes (ou plutôt des collections non ordonnées) de citations, d’articles, d’images, d’idées professionnelles à moitié travaillées, et tout un fouillis de projets ayants précédemment échoués ou restant inachevés.

Les recherches indiquent que les personnes créatives se complaisent dans des environnements un peu en désordre, où il y a juste assez de bruits de fonds pour permettre à leurs cerveaux de faire des connections fortuites 3 entre des idées n’ayant aucun rapport entre elles. L’innovation est le fait de créer quelque chose de nouveau à partir de choses déjà existantes. Il n’y a pas beaucoup de chances que ça arrive si vous n’avez pas de matériaux bruts à partir desquels jouer.

Et comme nos cerveaux ne sont pas optimisés pour la mémorisation, il est utile d’avoir certains outils nous permettant de stocker des quantités illimitées de fatras. Ceux qui connaissent Getting Things Done se rappelleront qu’il s’agit d’un élément central dans la méthode de David Allen sur la productivité : sortez tout le foutoir de votre cerveau et consignez-le dans un dépôt, que vous pourrez explorer à loisir pour y chercher des idées.

Inventaire

De manière répétée, j’ai entendu des gens dirent que les “backlogs sont du gaspillage parce qu’ils servent d’inventaire”.

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Je ne suis pas d’accord.

(Note : ces citations de Vasco Duarte et Paul Klipp sont montrées uniquement à titre d’exemple. J’ai pu voir ce même type de commentaires plusieurs fois ces dernières années.)

Ma liste de souhaits de livres n’est pas un inventaire. C’est une vue globale de mes options. Seuls les livres que j’ai achetés, que je n’ai pas lu, et qui restent à dormir sur mes étagères pourraient être qualifier d’inventaire, parce que j’ai investi en les achetant. (Mais je les considère toujours comme des options et comme une belle décoration de mon séjour.)

La même chose s’applique à votre product backlog. Un backlog est uniquement “gaspillage” si vous le considérez comme une checklist à la place d’une liste de souhaits, et que vous oubliez alors de faire la moitié des items sur la liste. S’engager à faire quelque chose, et ne pas le faire, est potentiellement un comportement superfétatoire. Cela fait perdre du temps, de l’énergie et de l’argent à tout le monde. Mais soulignez vos options, et les coucher par écrit parce que votre mémoire n’est pas équipé pour se rappeler des listes, c’est vraiment un signe d’intelligence et non une idiotie.

De plus, dire aux développeurs et aux concepteurs de toujours bien tenir et nettoyer leurs listes d’idées à moitié germées est comme d’imposer une politique de bureaux bien rangés à des créatifs. Cela dénote un point de vue mécanique de la productivité, et cela pourrait être la chose la plus stupide que vous pourriez demander à des personnes desquelles on attend de l’innovation. Si elles n’ont pas le droit de garder des listes d’idées, comment voulez-vous qu’elles fassent des produits innovants ?

Traitez votre backlog comme un dépôt désordonné d’idées à moitié germées, à la place d’une chaîne de production en environnement stérile.

Il n’y a aucun gaspillage dans le concept de backlog. Un backlog par lui-même n’est pas du gaspillage. Ce qui compte c’est comment les personnes l’utilisent. Les créatifs ont besoin d’outils pour stocker leurs idées et se rappeler de leurs options. Il n’y a que de la part des travailleurs dans des unités de production en usine que l’on devrait s’attendre à avoir un inventaire de stock réduit et des machines-outils toutes propres.

Dire aux gens que les backlogs sont du gaspillage n’aidera en rien les personnes à être plus innovantes.

Photo credit: (c) 2013 Barnyz, Creative Commons 2.0


Auteur : Jurgen Appelo
Source : Backlogs are not waste
Date de parution originale : 11 mai 2015


Traducteur : Nicolas Mereaux
Date de traduction : 14/08/2015


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  1. To-do list : le terme en vo a été privilégié au terme en vf “liste de courses” ou “liste de choses à faire” et est signalé comme tel en italique - NdT 

  2. Checklist : là-aussi, le terme en vo a été privilégié par rapport vf “liste de contrôles” dont l’usage est moins répandu et est signalé comme tel en italique - NdT 

  3. concept de la sérenpidité - NdT